La Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que le ministre de l’intérieur pouvait rejeter une demande de naturalisation au seul motif que le postulant a eu recours à la gestation pour autrui (GPA) dans son pays d’origine. Naturalisation et GPA ne font donc pas bon ménage, même lorsque la procédure de GPA est autorisée dans le pays d’origine !
En l’espèce, le requérant avait eu deux enfants à Moscou et avait modifié son dossier de demande de naturalisation déposé au consulat de France. Il avait joint à son dossier une déclaration de changement de situation personnelle et familiale faisant état de la naissance de ses deux enfants en précisant de manière spontanée que ces derniers étaient nés par GPA.
La cour a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté la demande d’annulation de la décision de refus d’acquisition de la nationalité française du requérant aux motifs que : « le ministre chargé des naturalisations a pu, dans son large pouvoir d’appréciation et compte tenu des dispositions du code civil et du code pénal prohibant le recours à la gestation pour autrui, prendre en compte, sans commettre d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d’appréciation, le fait que le postulant avait eu recours dans son pays d’origine à la gestation pour le compte d’autrui ».
La cour se fonde notamment sur l’article 16-7 du code civil qui dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » et l’article 16-9 du même code qui fait de l’ensemble des dispositions du chapitre en cause des dispositions d’ordre public, c’est-à-dire que le juge peut soulever d’office
Cette solution va à contre-courant d’un assouplissement remarqué des cours judiciaires, notamment suite aux célèbres arrêts de la CEDH Mennesson c. France et Labassee c. France du 26 juin 2014 (arrêts de chambre) concluant à une violation de l’article 8 de la convention s’agissant du droit des enfants au respect de leur vie privée et familiale, notamment à travers le concept de l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour de Cassation a suivi cette tendance par quatre arrêts de la première chambre civile du 5 juillet 2017 ( Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n°15-28.597 ; Cass.1re civ., 5 juill. 2017, n°16-16.901 et 16-50.025 ; Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n°16-16.495 ; Cass 1re civ., 5 juill. 2017 n° 16-16.455). Les juges du Quai de l’Horloge ont ainsi admis la possibilité de retranscrire partiellement à l’état civil français l’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA, en reconnaissant le lien de filiation du père ( et non de la mère d’intention). Cette transcription partielle permet ainsi à l’enfant d’obtenir un certificat de nationalité française, vivre en France et être adopté par l’épouse ou l’époux du père.
Encore faut-il que le père soit français ! En effet, cet arrêt opère une distinction entre un père de nationalité française par attribution et un père de nationalité française par acquisition. Le premier pourra voir son lien de filiation reconnu avec son enfant né par voie de GPA, le second se verra refuser la nationalité française pour avoir conçu un enfant par voie de GPA. Cet arrêt nous invite à s’interroger sur la fragilité du statut à la fois des enfants nés par voie de GPA mais également du père, lorsque celui-ci est étranger et sollicite la nationalité française. Alors entre naturalisation et GPA, ne choisissons plus !
CAA Nantes, ch. réunies, 21 déc. 2017, n°16NT01141
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