Voilà déjà des années que les personnes étrangères et les associations s’indignent de la dématérialisation totale des prises de rendez-vous en préfecture, pour ce qui est des demandes de délivrance et de renouvellement des titres de séjour.
Cette dématérialisation des services publics s’inscrit dans le programme gouvernemental « Action publique 2022 », qui visait, selon le gouvernement, à « redonner du sens, de la cohérence et de la lisibilité à l’action publique ».
Force est de constater que les faits contredisent cette rhétorique de proximité, d’accessibilité et de simplification présentée comme un moyen de lutter contre le non-recours aux droits.
La dématérialisation à marches forcées des prises de rendez-vous en préfecture, initiée en 2012, pose plusieurs difficultés d’ordre technique et juridique qui entravent largement l’accès au service public.
Les interfaces des services préfectoraux sont, d’une part, incompréhensibles et inadaptées à la consultation par des personnes maîtrisant rarement la langue française et les outils numériques. D’autre part, n’y figurent pas l’ensemble des titres de séjour existants classés dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA). Enfin, il n’existe pas d’autre moyen de solliciter un rendez-vous alors même que plusieurs préfectures ne proposent jamais de plage disponible.
Partant, les personnes étrangères, accompagnées par des associations ou des avocats, se mettent à saisir les tribunaux administratifs par la voie du référé « mesures utiles » afin de contraindre les préfectures à les convoquer à un rendez-vous afin de déposer leur demande de titre de séjour.
Pour celles et ceux qui auront finalement pu déposer leurs dossiers de renouvellement de titre de séjour aux guichets des services préfectoraux, il faudra lutter encore pour se voir délivrer un récépissé.
En effet, la loi du 10 septembre 2018 a modifié l’article L. 311-4 du CESEDA relatif aux droits attachés à certains titres de séjour après leur expiration.
Le but de cette modification est de créer une présomption de continuité du droit au séjour le temps de l’instruction des demandes de renouvellement.
En ce sens et depuis le 1er mars 2019, l’article L. 311-4 du CESEDA prévoit la prolongation des effets et droits attachés à certains titres de séjour pour une durée maximale de trois mois à compter de leur date d’expiration.
Il s’agit notamment des droits sociaux (sécurité sociale, droit au chômage, prestations familiales ou encore aide sociale par exemple), du droit d’exercer une activité professionnelle et du droit au séjour.
Or, ces droits aussi souffrent de la dématérialisation dès lors qu’ils ne sont plus garantis par la détention d’un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour, mais par la seule détention du titre de séjour expiré.
Ici aussi, l’administration se prévaut d’une logique de simplification des démarches pour les ressortissants étrangers qui permettrait d’éviter une rupture des droits sociaux pendant le temps de l’instruction de leur demande de renouvellement de titre de séjour.
En pratique, les employeurs ne sont pas au fait de cette réforme et demandent toujours à leur salarié de présenter un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour.
De plus, si aucune décision n’a été prise par la préfecture dans le délai de trois mois, il revient au ressortissant étranger de solliciter la délivrance d’un récépissé de sa demande de renouvellement de titre de séjour.
Les Avocates du Réseau Terravocats assistent les étrangers face à cet imbroglio juridique.
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