Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2017, la Première chambre civile de la Cour de cassation a estimé qu’en l’absence d’une définition légale de la « fuite » propre à la procédure dite « Dublin », les demandeurs d’asile devant être transférés dans un autre Etat membre de l’Union européenne ne pouvaient plus être placés en rétention.
Cette décision est d’une importance majeure pour tous les demandeurs d’asile placés en procédure dite « Dublin ».
En effet, ces derniers étaient de plus en plus nombreux à être placés dans un centre de rétention administrative dans l’attente de leur transfert effectif vers l’Etat membre de l’Union européenne responsable de l’examen de leur demande d’asile.
La procédure dite « Dublin » concerne tous les demandeurs d’asile ayant transité par un autre Etat membre de l’Union européenne et dans lequel ils ont soit déposé une demande d’asile en cours d’instruction ou rejetée, soit leurs empreintes digitales ont été relevées.
Lorsque ces derniers sollicitent l’asile en France, les autorités françaises peuvent demander à l’autre Etat membre de l’Union européenne par lequel ils sont passés de le « reprendre en charge».
Jusqu’à cet arrêt de la Cour de cassation, pour justifier le placement en rétention des « Dublinés », l’administration française invoquait l’article 28, paragraphe 2, du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 qui prévoit que « Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes (…). »
Néanmoins, depuis plusieurs mois, les Avocates du réseau Terravocats affirmaient dans leurs conclusions écrites et orales qu’il convenait de prendre en compte la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Dans son arrêt « Al Chodor » du 15 mars 2017, la CJUE avait déclaré qu’un Etat membre ne pouvait placer en rétention les « Dublinés » en vertu de l’article 28, paragraphe 2, du règlement susmentionné, lorsque la notion de fuite n’était pas légalement définie. Or, en droit français, la notion de fuite propre à la procédure Dublin n’a jamais été définie et ne peut, en aucun cas, être assimilée à la notion de fuite s’appliquant aux obligations de quitter le territoire rançais, les deux procédures étant extrêmement différentes.
C’est justement cette position qu’a finalement retenue la Cour de cassation dans l’arrêt du 27 septembre 2017. En effet, elle a considéré qu’en confirmant la prolongation de la rétention, « alors qu’en l’absence de disposition contraignante de portée générale, fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d’une protection internationale qui fait l’objet d’une procédure de transfert, l’article 28, paragraphe 2, du règlement était inapplicable », le président de la Cour d’appel de Paris avait violé les articles 2 et 28 du règlement « Dublin ».
Avec cet arrêt, la Cour de cassation constate donc l’absence de définition de la notion de fuite en droit français et prend également en compte la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
S’il est désormais certain que les « Dublinés » ne peuvent plus être placés en centre de rétention, l’administration pourrait tout de même essayer de contourner la décision de la Cour de cassation en les assignant davantage à résidence.
Enfin, il convient de noter que cette solution risque d’être temporaire puisque le gouvernement prévoit une réforme sur « l’asile et l’immigration » pour le début de l’année 2018. Il a d’ores et déjà annoncé que la question des demandeurs d’asile en procédure Dublin serait traitée. Il ne fait aucun doute que la notion de fuite sera à ce moment-là définie. Affaire à suivre…
Les Avocates du réseau TERRAVOCATS informent, conseillent et accompagnent les personnes étrangères placées en centre de rétention administrative et/ou ceux placés en procédure dite « Dublin ».
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