Solidarité, altruisme, humanité : des notions considérées a priori comme des valeurs auxquelles la société française devrait aspirer, toute fraternelle qu’elle se revendique.
C’est pourtant ces mêmes valeurs que le législateur va sévèrement condamner dans certains cas.
L’article L.622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que « sous réserve des exemptions prévues à l’article L. 622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ».
Cédric Herrou, agriculteur, a été condamné par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 8 août 2017, à 4 mois de prison avec sursis pour avoir porter assistance à plusieurs personnes étrangères et les avoir hébergés chez lui.
Pierre Alain Mannoni, ingénieur au CNRS, a été condamné par la Cour d’appel en Aix-en-Provence le 11 septembre 2017, à deux mois de prison avec sursis pour avoir « aidé au séjour et transporté des personnes en situation irrégulière ».
Ces deux citoyens ne se sont pas vu appliquer l’immunité consacrée à l’article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité de celle-ci ».
Dans l’affaire Cédric Hérrou, les juges d’appel d’Aix-en-Provence ont estimé qu’il n’y avait aucun élément qui permettait de retenir que l’intégrité des étrangers en question faisait l’objet d’atteintes graves, malgré la situation très précaire des personnes transitant par la vallée de la Roya, à la merci des passeurs, du froid et de la faim. Etant précisé qu’à ces difficultés, s’ajoute le fait que la préfecture des Alpes-Maritimes se soustrait à ses obligations en refusant d’enregistrer les demandes d’asile de ces personnes, cherchant par tous moyens, y compris illégaux, à les refouler vers l’Italie.
Dans le même temps, soit le 1er septembre 2017, le tribunal administratif de Nice condamnait les pratiques illégales du préfet des Alpes-Maritimes pour atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile.
Schizophrénie juridictionnelle…
Le soi-disant activisme dont fait preuve Cédric Hérrou, qui n’a d’autre but que de dénoncer les illégalités commises par l’Etat à l’instar du juge administratif niçois et de tenter d’y trouver des solutions, sera donc retenu contre lui par les juges de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, l’empêchant de bénéficier de l’immunité légalement prévue.
Cette situation pour le moins absurde démontre l’urgence à ce qu’en matière d’asile, l’Etat prenne ses responsabilités, en mettant en place les politiques d’accueil adéquates, respectant à minima les obligations légales. Et cesse surtout de viser les personnes plus courageuses que le quidam qui tentent de pallier aux carences étatiques.
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